Du neuf pour les cohabitants de fait en matière de droits de succession
Dans le cadre d’un entretien avec son private banker et son estate planner, notre cliente Géraldine s’interroge sur l’attribution de son patrimoine au moment de son décès. Elle vit depuis des années avec André sans avoir officialisé leur relation. Ils ont ensemble trois enfants et vivent à Bruxelles.
Lorsque l’on parle de succession, il convient de distinguer l’aspect civil de l’aspect fiscal. Il y a deux questions importantes à se poser :
- Qui hérite ?
- Quels sont les droits de succession ?
La dévolution successorale légale
Au niveau civil, le législateur détermine qui sont les héritiers du défunt. Ces règles de dévolution successorale valent pour tous les Belges. Si nous suivons notre exemple, les héritiers légaux de
Géraldine sont ses enfants. En l’absence de testament en faveur d’André, celui-ci n’héritera donc de rien.
En rédigeant un testament, Géraldine pourra léguer à André une partie de son patrimoine. Sa liberté de disposer de son patrimoine n’est pas absolue, elle doit tenir compte de la réserve des enfants.
Les enfants ont droit à la moitié du patrimoine de leur parent. Géraldine peut librement disposer de l’autre moitié de son patrimoine.
Si elle veut protéger son partenaire, elle pourrait, par exemple, léguer l’usufruit de la maison familiale et une somme d’argent en usufruit ou en pleine propriété.
Les droits de succession : du changement à Bruxelles depuis le 1er janvier
Les droits de succession sont une compétence régionale et chaque région a ses propres règles pour fixer ceux-ci.
Pour déterminer les tarifs applicables, il faut vérifier quel est le dernier domicile fiscal du défunt. Si le défunt a, au cours des cinq dernières années précédant son décès, habité plusieurs endroits en Belgique, les tarifs applicables sont ceux de la Région dans laquelle le défunt a habité le plus longtemps au cours de ces cinq dernières années.
Dans notre exemple, ce sont les droits de succession bruxellois qui seront d’application. Et, des changements pour les cohabitants de fait sont intervenus pour toute succession ouverte depuis le 1er janvier 2024 en région de Bruxelles-Capitale.
Auparavant, les cohabitants de fait bénéficiaient des taux les plus élevés. Depuis le 1er janvier 2024, ils sont assimilés aux conjoints et aux cohabitants légaux moyennant une condition de durée de cohabitation. Ainsi,
- s’ils vivaient ensemble depuis plus d’un an, ils bénéficient des taux ordinaires comme les conjoints et les cohabitants légaux. Ces taux ordinaires varient de 3 à 30%.
- s’ils vivaient ensemble depuis plus de 3 ans, ils bénéficient des taux préférentiels pour l’habitation familiale, comme les enfants. Ces taux préférentiels varient entre 1 et 30%.
Dans notre exemple, si Géraldine a fait un testament en faveur d’André, il pourra bénéficier des taux ordinaires de 3 à 30% pour les legs sur les immeubles et/ou les avoirs bancaires. Il pourra également bénéficier des taux préférentiels pour le legs de l’habitation familiale.
La preuve de la cohabitation de fait est fournie par l’inscription au registre de la population.
Outre la cohabitation durant une période de plus d’un an ou de plus de 3 ans, il faut aussi que les cohabitants de fait tiennent un ménage commun.
Le législateur nous indique que la tenue d’un ménage commun implique que chaque personne doit prendre soin de l’autre et contribuer aux tâches liées à un ménage (tâches financières ou autres).
Par conséquent, ce nouveau régime fiscal n’est pas limité aux cohabitants de fait ayant une relation amoureuse. Des frères et sœurs ou des amis vivant ensemble et ayant un ménage commun peuvent aussi prétendre à ce nouveau régime.
N’oublions pas que pour bénéficier de ce nouveau régime fiscal, il faut être un légataire. Un testament est donc toujours nécessaire.
Et pour les cohabitants de fait dans les autres régions ?
En Région wallonne, les cohabitants de fait sont toujours considérés comme des tierces personnes et le tarif le plus élevé s’applique (30 à 80%). Quel que soit le nombre d’années de vie commune, il n’y pas d’assimilation.
En Région flamande, les cohabitants de fait depuis plus d’un an sont assimilés aux conjoints et aux cohabitants légaux pour le tarif ordinaire (3 à 27%). Pour bénéficier de l’exonération des droits de succession sur l’habitation familiale comme les époux et les cohabitants légaux, il faut que la cohabitation ait duré au moins 3 ans.
Qu’en est-il si on opte pour une donation ?
En cas de succession, il y a donc une assimilation des cohabitants de fait aux époux et aux cohabitants légaux. Et si Géraldine faisait une donation mobilière ou immobilière à André ?
Pour les donations, il y a aussi une assimilation aux époux et aux cohabitants légaux. Ainsi, la donation faite à André pourra bénéficier des taux les plus favorables (3% pour une donation mobilière – 3 à 27% pour une donation immobilière) à la condition que la cohabitation ait duré plus d’un an.
Conclusion
En conclusion, au jour d’aujourd’hui, les cohabitants de fait sont toujours moins protégés d’un point de vue civil et fiscal que les personnes mariées et les cohabitants légaux.
En effet, ils n’héritent pas automatiquement l’un de l’autre ; ils doivent toujours prévoir une attribution par le biais d’un testament, par exemple.
Et au niveau fiscal, seules les régions flamande et bruxelloise permettent, après un certain temps, qu’ils puissent bénéficier des mêmes droits de succession que les époux et les cohabitants légaux.
Cette publication a un caractère purement informatif et n’engage nullement la banque. Elle ne tient pas compte de votre situation personnelle et ne peut donc jamais être considérée ni comme un avis juridique ou fiscal ni comme une consultation en planification financière. Elle tient compte de la législation en vigueur à la date de sa rédaction. Vu la complexité de certaines opérations et leurs implications au niveau civil et fiscal, nous vous encourageons vivement à consulter votre notaire ou votre conseiller personnel.